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Bonjour Jean Nicolas,
Désolé pour le délais de réponse. Peut-être as-tu déjà trouvé une réponse mais je vais tout de même répondre ici au cas ou d’autres se poseraient la même question.
DCU:
Le DCU (Danisco Culture Units) est une mesure de l’activité bactérienne des ferments. Comme chaque lot de culture n’a pas la même activité par unité de poids ou de volume, certains lot nécessiteront plus ou moins de poids/volume de culture pour fournir la même activité, donc la même capacité d’acidification. Donc, d’un sachet de culture à l’autre, pour une quantité donné d’activité (5 ou 25 DCU par exemple) il y aura plus ou moins de culture pour inclure la même quantité d’activité dans le sachet, en fonction de l’activité du lot. Par exemple, si le lot est plus actif, il faudra moins de poids de culture pour donner la même activité qu’un lot moins actif. En indiquant la quantité d’activité (DCU) plutôt que le poids de la culture sur un sachet de culture, le fournisseur s’assure qu’un sachet contient toujours la même quantité d’activité, peu importe l’activité spécifique d’un lot. Si un fromager utiliser un sachet de 5 DCU par fabrication pour une quantité donnée de lait, il sait qu’il peut utiliser un sachet de 5 DCU à chaque fois, sans avoir à ajuster le poids ou le volume de culture ajouté, pour obtenir une même activité ou une même profil d’acidification par cette culture dans le lait. Donc un sachet de 25 DCU contient 5 fois plus d’activité, donc essentiellement 5 fois plus de culture, qu’un sachet de 5 DCU. Pour le fromager maison, il est beaucoup moins crucial d’ajuster la quantité de culture en fonction de l’activité spécifique d’un lot. On peut assumer une activité très semblable pour deux lot et mesurer par volume. Le profil d’acidification sera très semblable même s’il y a de petites variations de l’activité spécifique d’un lot à l’autre. C’est d’autant plus vrai si on suit l’acidification du lait/caillé à l’aide d’un pH mètre lors de la fabrication.
Affinage des camemberts:
Pour éviter ce genre de problème, l’affinage du camembert devrait se faire en deux étapes:
- Croissance du PC (Penicillium candidum, moisissure blanche) à température plus élevée (11-13°C) et haute humidité (95-99%) en tournant à chaque jour.
- Une fois que le PC est bien établie (7-10 jours), envelopper le camembert dans du papier d’affinage et transférer à plus basse température (3-6°C). Ceci permet de limiter l’activité protéolytique (action de briser les protéines) du PC et un affinage plus lent et contrôlé, permettant un développement de texture plus homogène de la pâte.
De plus, il est important:
- de favoriser un taux d’humidité relativement élevé dans le caillé en aillant une longue de période de caillage (période entre l’ajout de présure et le découpage (si vous découpez) ou le moulage). On suggère environ 1h30 de caillage (dépend de la dose de présure utilisée). Si vous utilisez la méthode du point de floculation, utilisez un facteur de 6.
- De minimiser l’acidification avant moulage. L’essentiel de l’acidification devrait avoir lieu dans le moule, afin de conserver plus de calcium et de phosphate dans le caillé. Donc, si vous découpez le caillé, limitez la duré de brassage à quelques minutes.
- Le lait cru contient naturellement du geotrichum candidum. S’il est présent en trop grande quantité, il peut accentuer la protéolyse et lipolyse en surface, ce qui accentue la problème. Le lait peut alors être thermisé pour limiter le problème.
- S’assurer d’un bon égouttage du fromage avant de le transférer dans l’espace d’affinage. Si le fromage est encore trop humide, il a de bonne chance de développer la croûte coulante.
- S’assurer que l’humidité ne soit pas à saturation (~100%) dans l’espace d’affinage. De la condensation sur les paroies du contenant d’affinage indique habituellement une humidité trop élevée. Viser plutôt 90-95%.
- S’assurer que le fromage ne touche pas au liquide qui aurait pu s’accumuler au fond du contenant d’affinage.
Sans entrer dans tous les détails de l’affinage du camembert, voici tout de même le principe de base pour comprendre ce qui se passe et pourquoi il est préférable de mener l’affinage en 2 temps comme proposé ci-dessus.
Le PC en surface dégrade l’acide lactique (acide qui acidifie le fromage, produit par les ferment lactiques ajoutés au lait) en surface, ce qui fait augmenter le pH, donc diminue l’acidité. Cette diminution d’acidité a divers effets. Principalement, elle entraîne une précipitation du calcium en surface, donc il y aura moins de calcium soluble en surface. Le calcium soluble au centre du fromage (le pH plus bas (donc acidité plus élevée) au centre du fromage le maintenant dans son état soluble), va alors lentement migrer vers la surface, et sera ensuite graduellement précipité à son tour. La diminution de la quantité de calcium soluble dans la pâte du fromage va entraîner une diminution graduelle de la cohésion du réseau de caséine et va ainsi produire une pâte plus molle. Si la température est trop élevée, la diminution d’acidité sera plus rapide et le calcium n’aura pas le temps de migrer du centre du fromage et seule le calcium près de la surface aura le temps de migrer vers la surface, entraînant un ramollissement principalement d’une couche près de la surface. L’acide lactique (ou lactate) doit également lentement migrer vers la surface et entraîner une lente désacidification. Cette désacidification entraîne une solubilisation des protéines et forme une pâte plus molle. L’activité protéolytique du PC entraîne également une dégradation des protéines près de la surface. Si cette dégradation survient trop rapidement, avant que le calcium et le lactate puisse migrer lentement vers la surface, il y aura formation d’une couche liquide près de la surface du fromage. En enveloppant et en plaçant le fromage à 3-6°C, on diminue l’activité protéolytique du PC, on laisse le temps à la migration plus contrôlée du lactate et du calcium et on favorise la formation d’une pâte plus homogène. On peut également utiliser des souches de PC ayant des activités protéolytiques plus ou moins importantes pour contrôler le niveau de protéolyse.
La vitesse de migration du calcium et lactate dépend, entre autre, du taux d’humidité et de lipides dans le caillé, d’où l’importance de bien contrôler le taux d’humidité du caillé. La vitesse de désacidification en surface dépend de la capacité tampon du caillé, influencé, entre autre, par la présence de phosphate. La limitation de l’acidification avant le moulage permet de conserver plus de phosphate dans le caillé et ainsi contrôler le rythme de désacidification lors de l’affinage, et permet de limiter la formation d’une couche liquide près de la surface avant qu’il y ait migration graduelle du calcium et du lactate.